Histoire forestière de l'Abitibi-Témiscamingue

  • 1969-1979
    Restructuration de l'industrie du sciage : les gros mangent les petits

 

Les années 1970L’implication du gouvernement dans le développement du territoire et la foresterie est bien amorcée. En 1970, la première carte du territoire forestier est conçue par le gouvernement du Québec. Précédemment, le gouvernement dressait le portrait du territoire forestier avec les cartes remises par les concessionnaires. En 1972, le gouvernement « ouvre » les territoires au nord de Matagami, après avoir jugé l’exploitation de la forêt économiquement rentable. À la suite de l’érection des chantiers d’Hydro-Québec dans le Nord-du-Québec, la décentralisation des coupes du Nord se fait ressentir. L’accès est d’autant plus facilité en 1975 avec la construction de la route 109, reliant Amos, Matagami et LG2. En 1974, c’est la révocation des dernières concessions, à l’exception de la concession de Quévillon. On fait place entièrement à la forêt domaniale, le gouvernement gère alors son territoire et les coupes qui s’y effectuent. Avec cette nouvelle gestion forestière, l'idée de faire de l'aménagement forestier s'implante graduellement!

Dans les entreprises forestières, il y a beaucoup de mouvement. La méthode du mesurage des bois change encore, le cunit laissant place au mesurage à la masse (tonne). Les opérations se mécanisent et se modernisent encore. La forêt est un secteur économique très fort, à travers les scieries et les papetières. Un partenariat entre les deux sphères d’activité est incontournable. La modernisation des équipements dans les scieries permet de produire du bois de sciage et des copeaux de qualité. Les papetières, elles, demandent plus de copeaux aux scieries, notamment en raison de la révocation des concessions. Certaines entreprises comme Normick Perron, maintenant cotées à la Bourse, voient une opportunité d’affaires dans le marché des copeaux. D’autres, comme Barrette-Chapais, préfèrent se concentrer sur une meilleure qualité du sciage et produire le moins de copeaux possible.

Plusieurs entreprises forestières s’unissent ou sont rachetées. Les compagnies sont moins nombreuses, mais grossissent!

En 1970, le groupe Cossette et le groupe Gonthier s’unissent et fondent les compagnies Abiex et Forex.

Dans le but d’obtenir encore plus de matières premières, Normick Perron achète la scierie J. E. Therrien (Amos) en 1972, la scierie de Camille Richard (Beattyville) en 1973, les scieries de Paradis & Fils de Senneterre et de Forsythe en 1976, les scieries de Kirkland Lake (Kokotow) et Rouyn-Noranda (Northern Timber) en 1978-1979.


En 1975, le groupe Forex (Cossette) s’unit au groupe français Le Roy pour bâtir une usine de panneaux de particules à Val-d’Or sous le nom de Forex-Leroy.

En 1977, le groupe Saucier achète la scierie Nottaway Lumber de Senneterre, acquise deux ans plus tôt par Paradis & Fils.

En 1978, les frères Lavoie vendent la scierie à un groupe d’actionnaires, on l’appelle officiellement Scierie Landrienne.

En 1979, la scierie d’Alex Julien, à Barraute, est achetée par un groupe de trois actionnaires. Quelque temps après, deux actionnaires, M. Roy et M. Clément, vendent leurs parts, et Maurice Gagnon est le seul maître à bord de ce qu’on appellera Précibois. Également, en 1979, la famille Ayotte prend le contrôle de Bisson et Bisson.

Deux nouveaux joueurs arrivent dans le portrait régional. En 1972, l’entreprise Matériaux Blanchet s’installe au millage 54, dans le secteur de Matagami, après avoir acheté Léandre Fortin Lumber. Puis, l’entreprise Gilbert Tardif & Maibec fait son entrée à Barraute en 1977. De leur côté, les coopératives prennent des chemins différents. Celle de Saint-Dominique-du-Rosaire quitte J. E. Therrien au début de la décennie et va opérer pour Domtar. De son côté, la coopérative de Saint-Félix cesse ses opérations en 1973-1974. La coopérative de la rivière Davey obtient des contrats, notamment pour Paradis & Fils, et achète la Scierie Gallichan de Launay appartenant à Léandre Fortin. À la suite de la fermeture de son moulin, la coopérative de Guyenne coupe le bois de son territoire, une réserve canonique, et envoie le tout à la scierie de Launay, qui détient le contrat d'approvisionnement. Pour la coupe de bois, les travailleurs de Guyenne bénéficient d’un droit de premier preneur. La coopérative de Guyenne débute en 1972 dans le créneau des travaux sylvicoles, notamment avec un contrat de fertilisation… peu concluant! La coop. de Guyenne a eu plus de succès avec les travaux d'éclarcies précommerciales, le reboisement et, plus tard, en 1981-1982, la production de plants.

En 1975, il y a un ralentissement dans le marché du bois de sciage. La production de copeaux est réduite, c’est la première crise du copeau qui survient! C’est à ce moment que les propriétaires des scieries se rendent compte qu’ils sont dépendants des papetières. Audio (Michel Perron)Les scieries doivent donc s’entendre avec les papetières. C’est par l’entremise de René Barry, mandaté par les scieries, qu’elles négocient le prix des copeaux. Lors de cette crise, les papetières sont les beaux joueurs. En augmentant le prix à la tonne de copeaux, elles donnent les moyens financiers aux scieries de reprendre leurs opérations et de poursuivre la production de copeaux, la matière première des papetières. Audio (René Barry, représentant de l'AMBSQ, des producteurs de copeaux)À d’autres moments, ce sont les scieries qui accommodent les papetières. Audio (RB)Bref, un bel équilibre existe entre le groupe de scieurs représenté par M. Barry et les papetières. Toutefois, en 1978, cet équilibre est rompu lorsqu'un des scieurs du groupe quitte les rangs et vend lui-même ses copeaux. Ceci a pour effet de faire chuter les prix de vente de tous!

Malgré tout, en 1979, la région abrite les six plus importants groupes forestiers québécois : Perron, Cossette, Rexfor, Saucier, Bienvenu et Barrette (Barvi). Ceux-ci possèdent la majorité des moulins à scie d’Abitibi-Témiscamingue et contrôlent 75 % de la production du bois de sciage de la Belle Province!

Un pilier tombe… et renaît de ses cendresLa décennie de 1970 en est une de changement au Témiscamingue à cause d’une annonce dévastatrice : la CIP ferme les portes du moulin Kipawa en 1971. Cette nouvelle ébranle la municipalité de Témiscaming – qui deviendra une ville ouverte –, mais les employés et les citoyens se retroussent les manches. Ceux-ci parviennent à racheter l’usine à la CIP et fondent une nouvelle compagnie : Tembec. Au début des années 1970, Temflex, un moulin de déroulage de trembles basé à Ville-Marie, est la propriété de Émile Jolette limitée, il le vendra à Tembec en 1975. En 1972, toujours au Témiscamingue, la coopérative forestière du Témiscamingue construit une usine de sciage à Béarn. Les dernières traces de la foresterie traditionnelle disparaissent au milieu des années 1970. Le flottage du bois est désormais considéré dommageable pour la qualité de l’eau des lacs et rivières, ainsi que leurs rives. En 1976, le flottage du bois sur le lac Témiscamingue est finalement aboli. Cette mesure cause la perte de plusieurs emplois et entraîne la fermeture des camps de drave, dont Le Gap et Opémican. Les remorqueurs encore en service, comme le T. E. Draper, sont retirés de la circulation. Le bois se transporte désormais par camion et est complètement transformé dans les scieries!